Le pont

Je sais que tu veux être à l’écoute de ton enfant, connecter avec lui et avoir plus de plaisir. Et souvent, l’erreur qu’on fait pour y arriver, c’est éviter de poser adéquatement nos limites.

Par exemple, moi si je pouvais revenir dans le temps, si j’avais un conseil à donner à la jeune maman que j’étais il y a 18 ans, je lui dirais de développer cette attitude d’être imperturbable le plus rapidement possible.

Parce que si on choisit d’être ferme avec notre enfant, ça ne veut pas dire qu’on ne lui offre pas de liberté, au contraire. Et c’est ce que j’ai compris un peu tard et que j’essaie d’appliquer le mieux possible avec mon troisième enfant.

Ton enfant va se sentir d’autant plus libre si tu arrives à poser tes limites avec douceur et fermeté.

J’adore l’image que Janet Gonzalez-Mena utilise pour illustrer cette idée de poser une limite à une enfant:

Un pont

Imagine d’abord un vieux pont de bois, mal entretenu.

Et maintenant, visualise un pont en parfait état.

Sur lequel te sentirais-tu le plus libre de marcher, de gambader ou même de t’asseoir? Sur lequel te sentirais-tu le plus en sécurité? Sur le pont où les limites et la solidité sont le plus claires, évidemment.

Parce que ton enfant, ce sont les garde-fous du pont qu’il cherche et dont il a besoin pour se sentir en sécurité, pour se sentir bien, pour se sentir libre. Et pour s’assurer que le pont est solide, il va faire un geste très logique, le même qu’on le ferait sûrement toi et moi si on avait à s’aventurer sur le pont et c’est la solidité, tester les limites.

Et puisque la recherche de pouvoir est normale dans le développement de ton enfant, il doit savoir à tout moment que c’est toi, l’adulte, qui est en charge. Autrement dit : que le pont est sécuritaire et solide.

Sinon, ton enfant se retrouve dans une situation où c’est lui qui a plus de pouvoir que son parent. Il manque de sécurité et c’est exactement à ce moment que les comportements difficiles vont surgir. Si on garde l’image du pont : il ne voudra pas traverser, il va se blesser, il va tomber, il va prendre trop de temps pour traverser, il ne sera tout simplement pas bien.

Et ton enfant, il ne l’admettra jamais en te le disant avec des mots, mais la dernière chose qu’il veut, c’est avoir tout ce pouvoir que tu ne prends pas! Il ne veut pas tout ce pouvoir, il ne veut pas être responsable du pont! Et comme le dit si bien Janet Lansbury: «Les enfants élevés sans des limites fermes et constantes sont insécurisés et éteints. Accablés par trop de décisions et trop de pouvoir, ils passent à côté de la liberté et de la joie que tous les enfants méritent.»

Et c’est exactement ce principe que, moi-même, je ne comprenais pas bien: J’avais l’impression qu’en disant non, je brimais mon enfant, alors que c’est le contraire qui se produisait.

Par exemple, quand mon enfant est encore tout petit, je vais reconnaitre que j’ai le  droit de dire non si mon enfant veut grimper sur moi au lieu de s’asseoir à côté de moi. Poser une limite dans ce cas serait de dire «Je ne veux pas que tu grimpes sur moi. Tu peux t’asseoir avec moi. Si tu as besoin de grimper, il y a le sofa ou la chaise juste là.» Ne pas ignorer, ne pas  accepter.

On verra plus tard dans le Module des façons pour que tu puisses offrir cette liberté à ton enfant, sans toutefois tout lui permettre. Autrement dit: ne pas ignorer, ne pas accepter.

Plus tu vas réussir à CALMER LE FEU qui peut monter en toi, à demeurer en charge, c’est-à-dire à garder le pouvoir et ne pas le remettre à l’enfant grâce à ton écoute et à ta fermeté, plus tu vas réussir à ne pas en faire un drame, plus tu vas avoir du succès et de la collaboration.

Mordre, cracher ou frapper
Maintenant, allons voir un peu plus loin dans le cas où tu fais face à un jeune enfant qui n’agit pas bien parce qu’il mord, qu’il crache ou qu’il frappe. Je te rappelle que ton enfant est en train de te lancer un message, c’est une sonnette d’alarme. Il est en train de te dire: «Aide-moi à bien agir».

Si tu es capable d’anticiper la morsure ou le coup, tu retiens ton enfant et tu lui dis d’un ton ferme, avec beaucoup de conviction: «Je ne vais pas te laisser frapper». Ou juste après l’attaque, tu peux simplement dire : «Je ne peux pas te laisser frapper». Si tu deviens impatiente, en colère, que tu en dis trop, le risque, c’est que le comportement de l’enfant devienne un évènement.

Tu vas donc éviter de dire une phrase comme: «Ce n’est pas gentil de frapper! Frapper ça fait mal aux gens.»

Sinon, ça risque de mettre de l’huile sur le feu en donnant trop d’attention au comportement de l’enfant et faire en sorte que l’enfant veuille le répéter. Le problème, quand on explique, quand on répète, quand on questionne l’enfant, c’est qu’il ne reçoit pas l’autorité qu’il recherche. C’est à ce moment que l’enfant va vouloir te tester et te forcer à être en charge.

Tu peux aussi imaginer que, lorsque ton enfant frappe, mord, crie et bardasse, c’est comme s’il levait un drapeau rouge en disant : «Aide-moi! Arrête-moi! Reprends le contrôle! Sois le parent, moi je suis juste un enfant!» À ce moment, pour être en charge et obtenir la collaboration, tu dois répondre avec clarté et conviction.

Pour t’aider à intégrer cette idée, voici un exemple et un exercice:

La prochaine fois que ton enfant pousse ta limite en adoptant un comportement difficile, alors que tu sais très bien qu’il connaît la règle, reprends ton pouvoir et sois en charge:

  • Reconnais ce que vit ton enfant.
  • Guide-le avec fermeté.
  • Pose-lui une limite ferme avec confiance.

Prenons un exemple: Lancer du sable.

Au lieu de répéter:

«Je t’ai dit d’arrêter de lancer du sable. C’est quoi que tu ne comprends pas là-dedans. Si tu continues, on rentre dans la maison pis tu vas te coucher.»

«Maman veut que tu arrêtes de lancer le sable. Mathis n’a pas le droit de lancer du sable. Le sable c’est pas fait pour être lancé.»

«Je veux pas que tu lances du sable. Ça fait trois fois que je te le dis, arrête de lancer du sable.»

«Heille! Arrête de lancer du sable!»

Dis-lui plutôt:

«Ok, je vois que tu me montres que tu lances du sable. Je vais t’aider à sortir du carré de sable.»

OU

«Je vais t’arrêter.»

C’est une question de ​confiance et d’attitude. Plus tu le ressens, plus ton enfant le ressent, plus il va collaborer.

Mettre fin aux luttes de pouvoir

La majorité des comportements difficiles de ton enfant sont menés par les émotions et l’impulsivité (c’est-à-dire, quand il se trouve dans son cerveau rouge. Donc, même si tu essaies de le raisonner quand tu n’obtiens pas sa collaboration, ça ne marche pas et malgré tes bonnes intentions, ça ne fait que créer de la frustration, des deux côtés!

Pour t’aider à être consciente quand ton enfant est dans son cerveau rouge et surtout t’éviter de t’embarquer inutilement dans une lutte de pouvoir, compare l’activité de son cerveau à un concert :

➔ Quand ton enfant est en mode « je suis capable de t’écouter et de gérer mes émotions », son cerveau est comparable à l’ambiance dans un concert de musique classique. >>> C’est cool.

➔ Quand il est en mode « J’ai beaucoup de peine ou je suis très fâché », son cerveau ressemble à un concert rock. >>> On peut s’entendre, mais c’est vraiment difficile et ça demande beaucoup d’énergie.

➔ Quand il est en mode « au secours, c’est la tempête, je suis en crise! », son cerveau est comme un spectacle de musique « heavy métal ». Pas le choix, pour se parler, faut sortir et prendre une  pause.

Cette image m’a été inspirée par Carrie Conthey, PhD.

Quand ton enfant refuse de faire ce que tu lui demandes (par exemple remettre la gomme sur la tablette à l’épicerie, ranger la boîte de biscuit, mettre ses bottes, faire ses devoirs, aller au lit), il arrive souvent qu’il t’exprime le réel sentiment ou le réel besoin qui se cache derrière le comportement difficile.

Par exemple, l’arrivée d’un bébé frère ou sœur, un stress à l’école, un besoin de connecter après une longue séparation ou un besoin plus physiologique comme manger ou dormir.

Et ces moments de défiance sont très propices dans les périodes d’affirmation autour de 2 ans et 4 ans particulièrement. Mais il faut que tu saches que ton enfant, il ne le sait pas lui-même que c’est un besoin ou un sentiment caché qu’il essaie d’exprimer et ça sort souvent par de la défiance. À ce moment, on va souvent dire qu’il recherche de «l’attention négative».

Cette semaine, j’avais mon Roméo de 5 ans qui faisait une première présentation de projets devant les amis à l’école et il ne voulait pas le faire. Il m’en a parlé à plusieurs reprises. Alors je savais que c’était une période plus stressante et difficile pour lui. J’ai porté plus attention et j’ai mis en pratique les stratégies suivantes pour prévenir ces moments difficiles et obtenir davantage de collaboration.

Numéro 1
Être consciente, être prête et ne pas demander à ton enfant d’être plus raisonnable que toi. Rappelle-toi qu’un mauvais comportement ne veut pas dire un enfant mauvais et que cette période difficile que tu traverses est temporaire. Tu vas t’ennuyer bien assez vite de tout ça quand ton enfant sera parti au cégep!

Numéro 2 :
Être humaine, baisser la garde, se retrouver dans son cerveau rouge et avoir l’instinct d’attaquer en retour, c’est normal. Et justement, ça s’est terminé comme ça pour moi hier, parce qu’après cette semaine de stress avec mon Roméo, rendu à 8 h 00 hier soir, j’étais fatiguée, lui aussi, j’ai baissé la garde et mon cerveau rouge a embarqué. Alors ça s’est terminé en pleurs dans le lit. Et oui, je me suis sentie coupable et je n’étais pas fière. Mais c’est normal que ça arrive.

Numéro 3
Être prévoyante face aux besoins de ton enfant (sommeil, nourriture, jeux, calme, contact physiques), avoir un endroit 100 % sécuritaire et faire attention à la sur-stimulation.

Alors pour les petits, pouvoir les placer dans un endroit où on sait qu’ils sont en sécurité et qu’on n’a pas absolument besoin de les surveiller. Ça peut aussi leur donner du matériel à manipuler qui va stimuler ses sens comme de la pâte à modeler, un bol d’eau avec une petite éponge et une serviette ou un petit bac de sable. Le fait d’exercer ses sens va beaucoup aider ton enfant à être tout simplement bien et te donner un répit. C’est comme si tu t’offrais un petit bout de nature directement dans ta maison.

Et pour les plus vieux, ça peut être le classique : Allez jouer dehors! L’important c’est de le demander avec une attitude positive, avant de sentir qu’on est déjà à bout. Ça fait TOUTE la différence.

Numéro 4
Prendre action et être en charge AVANT d’être à bout. Être une Maman Ourse, c’est-à-dire être imperturbable. Et oui, on y revient! Cette image me vient de Janet Lansbury qui travaille surtout avec les parents de bébés et de bambins, mais aussi avec les jeunes enfants. Si on revient avec l’exemple de la gomme à l’épicerie, être une Maman Ourse ça veut dire être du côté de ton enfant et ne pas ignorer le comportement, mais ne pas l’accepter.

Alors dans ce cas, tu pourrais mettre ta main sur l’épaule de ton enfant et dire: «T’aimerais ça que je t’achète de la gomme, mais aujourd’hui, je n’en prends pas.»

Et ce qui est primordial, c’est ton attitude Maman Ourse. La Maman Ourse ne se fâche pas après son ourson, mais elle le guide pour qu’il ait le bon comportement. Alors si ton enfant n’obtempère pas, tu pourrais ajouter: « C’est difficile parce que je sais que tu veux vraiment de la gomme, mais je veux que tu la remettes sur la tablette ». Et ensuite, on pourrait lui offrir le choix: « Tu la remets toi-même ou c’est moi? »

Ou bien un enfant qui ne veut pas aller au lit et qui se relève. Tu peux mettre ta main autour de ses épaules et dire: «Tu n’as pas envie d’aller dormir. Mais je ne te laisserai pas te lever. Viens, tourne-toi, on retourne dans ton lit.»

Et ça fonctionne, c’est une question d’attitude et avec la pratique, c’est aussi sinon plus efficace que la méthode du 1-2-3 et beaucoup plus en accord avec tes valeurs.

Ton enfant, c’est certain qu’il va tester la limite parce qu’il a besoin de s’assurer que tu es capable d’être vraiment de son côté et en même temps, capable de l’encadrer : ne pas ignorer, ne pas accepter! Et selon l’état de ton enfant, TON état et le contexte, ça peut être plus ou moins difficile, mais c’est toujours vers ça qu’il faut tendre.

Si j’ai peur que ça se termine en bataille ou en cris, c’est que je ne suis pas dans mon rôle de Maman Ourse assez tôt ou que les règles de ma maison ne sont pas assez claires pour moi, ni pour mon enfant.

Et oui, ton enfant ne sera pas content, c’est normal. Ce dont il a besoin à ce moment ce n’est pas que tu dises oui, c’est que tu reconnaisses ce qu’il vit: «Tu veux vraiment la gomme et moi, je dis non, tu es déçu». Ce sont ces paroles-là qu’on aurait eu besoin d’entendre petite et qu’on n’a pas reçues. Alors c’est à nous de développer cette attitude pour l’offrir maintenant à nos  enfants.

Ton enfant, c’est de ça dont il a besoin, parce que ce qu’il est en train de te dire, c’est: «Prends-soin de moi, aide-moi à retourner au lit, aide-moi à m’habiller, aide-moi à remettre la gomme sur la tablette. Sois mon parent pour que je puisse être un petit enfant. Tu es la seule personne qui est capable de comprendre et de ne pas juger tout ce que je ressens à l’intérieur de moi.»

Et tu dois aussi assumer que oui, ça va peut-être se terminer en pleurs ou en cris: C’est la façon la plus saine pour ton enfant d’évacuer cette émotion et ce stress sur le moment. Tu pourras alors accompagner la crise, puisque tu n’en as plus peur.

Et pour terminer, ce que la Maman Ourse est capable de faire aussi, c’est de faire preuve de souplesse! Parce qu’elle sait qu’elle est en contrôle, qu’elle est en charge et qu’elle n’a pas peur de perdre son pouvoir. Elle peut choisir de faciliter la vie de son petit ourson et décider de sauter un bain ou laver les cheveux moins souvent, d’offrir un choix comme ranger les autos dans le panier ou dans le coin de la chambre, laver les mains de la poupée ou les tiennes en premier. Elle peut dire:

«Pour laver tes cheveux, veux-tu regarder en haut ou mettre une débarbouillette? Pour brosser tes dents: quelle pâte tu veux? Tu commences ou je commence à brosser?» Bref, ne pas le prendre personnel et rester dans le plaisir.

On reviendra au choix des bons mots et je te proposerai quelques exemples pour des enfants plus vieux un peu plus loin dans le Module. Et dès maintenant, si tu sens que tu as besoin de te rappeler pourquoi l’empathie est si importante avec ton enfant, retourne écouter le module intitulé La nature dans le Module 1, parce qu’on en parle encore pour la prochaine partie: Être à la fois à l’écoute et en contrôle.