La méthode
Replonge-toi dans l’exercice précédent. Tu vivais une expérience désagréable avec ton patron et les paroles de ton amie ne faisaient qu’envenimer la situation.
Pourquoi? Parce qu’elle niait ce que tu ressentais.
Et c’est la majorité du temps ce qu’on fait automatiquement avec nos enfants: on nie les sentiments que nos enfants nous expriment.
Quand c’est l’heure d’aller au lit et que notre enfant nous dit qu’il n’est pas fatigué.
– Oui, tu es fatigué. Tu n’as pas fait de sieste cet après-midi. Allez, dodo!
Quand notre enfant veut décider comment s’habiller.
– J’ai dit : « Il fait froid. Garde ton chandail ».
On nie les sentiments de notre enfant pour des questions banales, imagine quand ça nous touche encore plus personnellement et que notre enfant nous lâche : « Je l’aime pas grand-maman !».
Essaie avec les phrases suivantes. Quelle est la réponse spontanée qui monte en toi si tu entends ton enfant te dire :
– Je n’aime pas mon bébé frère.
– Ma fête était plate (alors que tu as mis beaucoup d’efforts).
– Mon appareil me fait mal… Je le porte plus. Je me fous de ce que va dire l’orthodontiste!
– C’est chien! Le prof m’a sorti de l’équipe juste parce que je suis arrivé deux minutes en retard au gymnase.
Ça ressemble probablement à ceci :
– C’est pas vrai, ça. Je sais que dans ton cœur, tu l’aimes vraiment le bébé.
– Ben voyons! Ta fête était super : J’ai fait faire un gâteau, j’ai acheté des ballons, j’ai organisé des jeux. C’est ben la dernière fois que j’organise ta fête!
– Ça doit pas faire si mal que ça et avec tout l’argent que ça me coûte, tu vas le porter que t’aimes ça ou pas!
– Ben, y doit ben avoir une bonne raison pour te renvoyer. Si tu arrives en retard, il faut que tu t’attendes à avoir des conséquences!
Tu vois comme ça ressemble aux réponses de ton amie à l’épicerie? Ton enfant se sent exactement comme tu te sentais toi aussi. Et plus il est petit, plus il est dans son cerveau rouge, plus les crises risquent d’arriver!
Quand on vit un moment pénible et qu’on reçoit des conseils, des explications ou qu’on insiste pour nous faire voir le point de vue de l’autre, ça rend la chose encore plus difficile. Sans parler des questions qui nous mettent sur la défensive. Imagine pour un petit enfant qui n’est pas capable de raisonner.
Par contre, si une personne nous écoute vraiment, si elle reconnaît notre souffrance intérieure, si elle nous donne la chance de parler de ce qui nous préoccupe (comme la dernière phrase de notre amie à l’épicerie), alors notre trouble et notre confusion diminuent et nous sommes davantage en mesure de faire face à notre problème: de nous calmer.
Même chose pour les enfants.
L’écoute est la fondation de l’attitude qu’on veut développer pour être plus patiente, pour calmer le feu et désamorcer les crises et les chicanes.
La méthode en 4 étapes
#1 Quand ton enfant vient vers toi en pleurant ou en chialant, au lieu d’écouter à moitié, écoute avec toute ton attention.
Arrête ce que tu fais. Tourne-toi vers ton enfant. Retiens les paroles qui pourraient nuire. Écoute.
En laissant toute la place à ce que ton enfant veut te raconter (ou tout ce qu’il veut pleurer), en retenant tes paroles. Tu seras surprise de voir comment ton enfant sera réconforté et peut-être même déjà en mode solution, par lui-même. (Ton enfant est un expert du moment présent).
#2 Au lieu de questionner et de conseiller, accueille ton enfant à l’aide d’un seul mot.
Par exemple, ton enfant revient de l’école et te raconte avoir perdu son crayon. Au lieu de lui demander si il est certain de l’avoir perdu, de t’exclamer que ce n’est pas étonnant si elle le laisse traîner ou de la sermonner pour la 100e fois sur l’importance de garder ses choses dans son pupitre, retiens tes paroles et écoute-la seulement avec des mots tels que :
– Oh?
– Hum…
– Ah!
– Je vois
Si ton enfant ne se sent pas accusé et que tu arrêtes de lui donner des conseils, il pourra se sentir libre de chercher ses propres solutions. Et pendant ce temps, tu restes calme et tu gardes ton énergie.
#3 Au lieu de nier, nomme le sentiment!
Et si les « Ah! Oh! Hum… » ne sont pas suffisants? Si ton enfant vit une grande peine ou une colère, nomme simplement le sentiment que ton enfant est en train de vivre.
On n’a pas l’habitude de répondre de cette façon parce qu’on a peur d’intensifier la détresse de l’enfant. MAIS C’EST LE CONTRAIRE QUI SE PRODUIT : quand l’enfant reçoit de l’aide pour exprimer en mots ce qu’il ressent, il se sent profondément réconforté. Quelqu’un reconnaît enfin son expérience intérieure.
Exemples :
Pour un enfant dont la petite tortue meurt : « Ça fait de la peine quand on perd une amie ».
Au lieu de : « Pleure pas, c’est juste une tortue, on va aller en acheter une autre ».
Pour un petit fâché qui veut avoir un autre biscuit : « T’es fâché, tu voudrais un autre biscuit et moi je dis non. T’aimes vraiment ça les biscuits et tu es fâché ».
Au lieu de : « Non, c’est assez, arrête de m’en demander. Si tu n’arrêtes pas, tu vas aller faire dodo ».
Pour un enfant qui a de la peine de nous voir partir : « T’aimes pas ça quand on se sépare, ça te fait de la peine. Tu voudrais qu’on reste ensemble tout le temps ».
Au lieu de : « Pleure pas, maman va revenir très vite. Arrête de faire le bébé là, t’es grand maintenant ».
# 4 Au lieu d’utiliser la logique et les explications, utilise l’imagination pour offrir à ton enfant ce qu’il souhaite.
Tu le sais maintenant : Si ton enfant est dans son cerveau rouge ou qu’il est encore très petit, la logique ne fonctionne tout simplement pas.
Connecte-toi plutôt à ce qu’il ressent ou à ce qu’il désire pour lui faire ressentir que tu comprends bien ce qu’il veut, mais que tu ne peux pas lui offrir immédiatement.
Exemples
Pour un enfant qui veut aller à la piscine au lieu de partir pour la garderie :
« Ah! Tu aimerais ça aller à la piscine. C’est vrai que la dernière fois, on a eu beaucoup de plaisir à jouer à saute-saute dans l’eau! Viens, on va jouer à saute-saute sur le trottoir pour aller jusqu’à l’auto ».
Au lieu de : « Ben non, on ne peut pas y aller, faut aller à la garderie. Go! Viens-t’en et arrête de pleurer! »
Pour un enfant qui a soif dans l’auto, qui veut LA sorte de céréale qu’on n’a plus ou qui veut avoir un jouet qui ne fonctionne plus : « J’aimerais ça pouvoir t’en donner tout de suite, si j’avais une baguette magique, j’en ferais apparaître devant toi !»
Au lieu de : « Il n’en reste plus… Tiens, prend cette sorte-là… C’est pas grave, arrête de pleurer ».
Plus tu arriveras à mettre en pratique ces habiletés, une à la fois ou combinées, selon la situation, plus tu aideras ton enfant à se calmer, à sortir de son cerveau rouge et à utiliser ses outils lui-même en grandissant.
À TON TOUR[1]
Le plus souvent possible, à partir de maintenant, applique cette méthode avec ton enfant lorsqu’il vit une émotion difficile. Seulement ça, c’est immense! Ça fait des années que je pratique et que je recommence chaque jour. Donc l’idée ici n’est pas d’y arriver parfaitement : c’est impossible. Le but pour le moment, c’est de prendre conscience que cette autre façon de faire existe, d’explorer, de pratiquer et d’observer les résultats que tu obtiens avec ton enfant.
Exerce ta conscience lorsque tu n’arrives pas à appliquer la méthode en imaginant comment tu aurais pu faire à la place (sans te juger!). À force de pratiquer, tu seras de plus en plus conscience de la place que tu laisses à l’expression des émotions de ton enfant et tu pourras appliquer la méthode de plus en plus souvent, de façon de plus en plus profonde et authentique.
[1] L’exercice est tiré du livre «Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent».